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Duoday à la DDCSPP de Haute-Corse : témoignage et retour d’expérience

Témoignage de Madame Nathalie Guaitella, responsable de l’animation du dialogue social, de la médecine de prévention et de l’action sociale

 D'où est né votre souhait de participer au Duoday ?

Un agent handicapé, bien intégré au sein de la DDCSPP, recevait une demandeuse d'emploi handicapée pour partager son quotidien le temps d'une journée

Tout d'abord, je voudrais préciser que ce Duoday présentait une singularité : disposant moi-même d'une RQTH, le duo était donc constitué non pas d'une, mais de deux personnes en situation de handicap (double Duoday). Ainsi, un agent handicapé, bien intégré au sein de la DDCSPP, recevait une demandeuse d'emploi handicapée pour partager son quotidien le temps d'une journée. Étant moi-même touchée par le handicap, très sensibilisée par le sujet, j'ai pris connaissance du dispositif via les médias, car Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, était reçue dans une émission sur une grande chaîne nationale et y a présenté le Duoday.

Intéressée par l'initiative, je me suis donc rendue sur le site internet www.duoday.fr, puis j'en ai parlé à ma direction qui m'a tout de suite répondu : « Bien entendu, on y va ! Inscrivez la DDCSPP 2B ».

 Comment avez-vous imaginé le duo à constituer et les tâches sur lesquelles pourraient intervenir la personne ?

En qualité de « tutrice » au sein de la structure, cela me tenait particulièrement à cœur que de faire partie de ce duo. Lorsque nous avons réfléchi aux missions que nous souhaitions confier à cette personne, nous nous sommes dit spontanément « On ne s'engage pas dans cette démarche uniquement pour dire : oui on y a participé ».

ll était important que les missions déterminées pour cette journée suscitent un véritable intérêt et permettent une réelle immersion le temps d'une journée.

ll était important que les missions déterminées pour cette journée suscitent un véritable intérêt et permettent une réelle immersion le temps d'une journée.

Nous avons donc pris le parti de ne pas confier à cette personne des tâches « classiques » telles que l'accueil téléphonique ou physique, l'observation d'un poste de secrétariat... mais plutôt de l'associer aux travaux d'élaboration du bilan social de la structure sur lequel nous travaillions à ce moment- là, avec une stagiaire de l'IRA de Bastia, afin de lui donner une vision précise du fonctionnement de de la structure.

Compte tenu de ce projet, nous avions précisé lors de l'inscription sur le site du Duoday les missions, et formulé un critère sélectif qui était une connaissance des bases en bureautique (traitement de texte, tableurs, etc.).

Cette personne a donc travaillé sur le bilan social, et notamment la partie relative à la médecine de prévention et plus particulièrement sur le suivi réglementaire des agents par les différents médecins de prévention de la structure.

 Par quel biais avez-vous reçu les candidatures, quel a été l‘organisme accompagnant ?

Après l'inscription sur le site, j'ai pris l'initiative de contacter directement Cap Emploi. J'ai pensé naturellement à cet organisme car celui-ci m'avait accompagnée lors de mon entrée dans la fonction publique. Après plusieurs échanges, Cap emploi m'a informée qu'ils allaient étudier les profils qui pourraient correspondre à notre demande.

J'ai pris l'initiative de contacter directement Cap Emploi

Une dizaine de jours plus tard, ils nous ont recontactés afin de nous faire savoir qu'une seule personne répondait à l'offre proposée par notre structure.

Une dame, d'un bon niveau d'études, titulaire d'une licence, qui avait déjà travaillé à l'Education Nationale en tant que Conseillère Principale d'Education sur la base de contrats à durée déterminée successifs, possédait une bonne connaissance de la Fonction Publique. Ensuite nous avons échangé pour connaître les contraintes de son handicap, afin de lui assurer un accueil dans les meilleures conditions. On pense souvent au handicap moteur, nous avions donc précisé sur le site internet du Duoday que l'ensemble de nos locaux était accessible (places de stationnement réservées, plateforme d'ouverture de la porte d'entrée abaissée, mains courantes dans les couloirs, etc.).

Or il s'est avéré que cette personne souffrait, comme c'est aussi le cas souvent, d'un handicap « invisible », qui n'a par ailleurs pas nécessité d'aménagements spécifiques.

 Avez-vous préparé la venue de la personne en amont, et si oui de quelle manière ?

Tout à fait ! J'ai joint cette personne par téléphone une semaine avant son arrivée, d'autant que la conseillère Cap Emploi m'avait indiqué que malgré sa satisfaction d'intégrer la DDCSPP 2B, cette personne était un peu stressée.

Mon appel a permis de la rassurer et de voir avec elle comment elle souhaitait organiser sa journée

Mon appel a permis de la rassurer et de voir avec elle comment elle souhaitait organiser sa journée notamment pour ce qui concerne ses horaires. Je lui ai proposé de l'accueillir le matin, par un « café croissant » dans la salle de convivialité. Elle a souhaité débuter la journée à 8h afin de pouvoir rentrer chez elle durant la pause méridienne et revenir l'après-midi. Elle connaissait donc en amont le déroulé de sa journée.

 Comment s'est déroulé son accueil au sein de la structure. A-t-elle été en contact avec les autres agents ?

Bien entendu, nous l'avons accueillie dès son arrivée dans nos locaux et présentée aux collègues qui étaient déjà tous au courant de cette initiative car la direction avait annoncé en CHSCT la participation de la DDCSPP au Duoday.

Mon handicap est visible, les collègues sont sensibilisés et font preuve de beaucoup d'empathie

Elle a été accueillie à bras ouverts, d'autant plus que l'insertion au sein de la DDCSPP est réalisée au quotidien, depuis des années, puisque nous comptons 5 agents reconnus « travailleurs handicapés », pour un peu moins de 70 personnes dans la structure.

S'agissant de mon cas, le handicap est aujourd'hui visible, les collègues sont donc sensibilisés et font preuve de beaucoup d'égards et d'empathie. Nous sommes une structure à taille humaine, ce qui facilite aussi les choses.

 Quel bilan faites-vous de la journée ?

La personne était ravie, nous nous sommes dit « ça serait bien que tu reviennes demain ». Une journée c'est un peu court, nous aurions aimé pouvoir l'accueillir plus longtemps...

 Quelles sont les suites que vous envisagez de donner à ces initiatives ?

Peut-être qu'un des axes d'amélioration serait que nous soyons mieux sensibilisés aux possibilités de suites à donner

Ce que nous pouvons proposer à nos partenaires du secteur protégé et adapté dans un premier temps ce sont des « stages découverte » pour « tester » d’autres métiers, comme des stages en petits travaux et menuiserie ou des stages en entretien des locaux. Nous avons d’ailleurs une personne qui viendra prochainement faire de la restauration dans l’une des cantines scolaires de la ville (mais comme nous sommes en sur-effectif dans ce domaine, nous savons d’ores-et-déjà que nous ne pourrons pas aller au-delà sur cette initiative).

Nous réfléchissons également à multiplier les projets de MAD sur d’autres services comme au Centre Technique Municipal (CTM) pour des travaux de peinture.

 Vous avez toujours la possibilité de réaliser une PMSMP... ?

Je ne connaissais pas ce dispositif... peut-être qu'un des axes d'amélioration serait que nous soyons mieux sensibilisés aux possibilités de suites à donner. En effet, nous sommes dans notre quotidien de travail et non spécialistes du sujet, par conséquent, ce sont des informations dont nous n'avons pas forcément connaissance.

Bien évidemment cette personne aspire à intégrer la fonction publique, cependant, nous l'avions prévenue tout de suite qu'il n'y avait pas d'ouverture de poste d'emploi réservé prévue dans la structure.

Nous l'avons incitée à postuler et à faire les démarches auprès de Cap Emploi pour être accompagnée dans son projet, afin d'étudier toutes les possibilités qui pourraient s'offrir à elle.

 Vous nous avez parlé de votre situation. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours et votre intégration au sein de la DDCSPP ?

J'ai intégré la fonction publique d'Etat sur un emploi réservé de catégorie B à la DDASS en 2002. Mon dossier avait fait l'objet d'une pré-sélection et 5 candidats avaient été convoqués pour un oral devant un jury et j'ai obtenu le poste. Lors de mon recrutement, mon handicap n'était pas encore visible, et je n'ai pas eu besoin, du moins au début, d'un aménagement de poste.

Cependant, étant atteinte d'une sclérose en plaques, maladie neurologique invalidante et évolutive, mon périmètre de marche s'est réduit et mes difficultés de déplacement se sont accrues. Après la RGPP et la disparition de la DDASS, nous avons intégré la DDSCPP en 2010. J'ai alors été contrainte de m'absenter 2 ans à cause de l'évolution de la maladie.

À mon retour de congé de longue maladie, il a fallu envisager des aménagements

À mon retour de congé de longue maladie, il a fallu envisager des aménagements : je marchais beaucoup moins bien, je ne pouvais plus emprunter les escaliers, il n'y avait qu'une place de stationnement réservé devant le bâtiment, je n'arrivais plus à me garer à proximité des bureaux. Dans le cadre de la mise aux normes de la future DDCSPP, celle-ci avait anticipé les travaux de remplacement du monte-charge existant par un Elévateur pour Personnes à Mobilité Réduite (EPMR). Des contacts ont été pris avec le responsable de l'accessibilité à la mairie afin d'augmenter le nombre de places de stationnement réservé devant le bâtiment. Je n'utilise pas mon fauteuil roulant pour les petites distances, mais je marche avec une canne. De plus, la direction a fait installer des mains courantes sur le cheminement qui me conduit à mon bureau.

Je pense avoir été parmi les premières à expérimenter le télétravail dans la Fonction Publique

En sus de ces adaptations techniques et d'infrastructures, sur les préconisations du médecin de prévention et sur accord de la direction, j'ai pu bénéficier dès 2015 d'un aménagement organisationnel de mon mode de travail avec la mise en place d'un protocole de télétravail (je pense avoir été parmi les premières à expérimenter le télétravail dans la Fonction Publique puisque les textes réglementaires n'étaient pas parus à ce moment.)

Le protocole signé entre le médecin de prévention, la direction, le service informatique et moi-même a permis de définir des jours de télétravail en alternance avec ceux au bureau. Ce nouveau mode de travail a considérablement réduit les risques de pénibilité et fatigabilité dus aux trajets et aux déplacements, favorisant ainsi la productivité et l'efficience pour un service rendu optimal, répondant aux attentes de l'Administration.

En outre, ce protocole de télétravail fait l'objet d'un bilan annuel en CHSCT afin d'évaluer le dispositif, ce dernier étant extrêmement positif tant de mon point de vue que de celui de l'administration. En 2018, j'ai même pu augmenter ma quotité de travail en passant de 80 % à 90 % avec une demi-journée supplémentaire en télétravail.

Je suis consciente d'avoir de la chance, les directions successives, les chefs de service, les collègues, le médecin de prévention, bref tous ces acteurs, m'ont permis et m'offrent encore à ce jour, la possibilité de travailler dans les meilleures conditions. Je souhaite à tous ceux qui sont en situation de handicap d'évoluer, comme moi dans un monde professionnel d'une telle qualité. Je sais hélas qu'il n'en est pas ainsi partout et que le chemin est encore long pour faire évoluer les mentalités, changer le regard des autres sur le handicap, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie alors continuons à prouver « qu'ensemble tout est possible ».

Propos recueillis par François Le Saux-Mari

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