
La mairie de Ghisonaccia et la sous-traitance au secteur protégé et adapté (ESAT et EA)

Témoignage de Madame Stéphanie Guyard, Directrice Générale des Services
Q Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la commune de Ghisonaccia et le fonctionnement de la Mairie ?
Ghisonaccia est une commune de 3 900 habitants avec quasiment 10 000 lits liés au tourisme l’été. En termes d’effectifs, nous sommes une trentaine d’agents : nous disposons d’un service technique composé de 11 personnes, 3 personnes à la bibliothèque, 4 personnels de cantine, 4 agents au service des sports, des ATSEM, des agents d’entretien et nous sommes 4 au niveau de l’Administration Générale.
Ghisonaccia est une ville extrêmement dynamique qui vit également l’hiver grâce à l’installation de nombreux services publics. Par exemple, nous avons une grande halle des sports qui permet de pratiquer des activités diverses et variées ou encore un stade municipal pour le football. De nombreux projets sont également en cours comme la construction d’un nouveau bâtiment destiné à accueillir les services municipaux et les services de la communauté de commune.
“Nous travaillons sur un pôle d’insertion professionnelle (emploi, formation) conçu pour regrouper Pôle Emploi, la mission locale, l’AFPA et le CFA.”
Nous réfléchissons actuellement à la création d’un « Médipôle » qui permettrait d’accueillir le SMUR, des consultations médicales avancées de l’hôpital de Bastia et le CMP. Dans le même esprit, nous travaillons sur un autre pôle en construction : LINARI 2 qui sera situé en plein centre ville. Il aura vocation à favoriser l’insertion professionnelle (emploi, formation) et sera conçu pour regrouper Pôle Emploi, la mission locale, l’AFPA et le CFA.
Au niveau social, nous avons un projet de crèche, des projets concernant les logements sociaux et nous devrions ouvrir très rapidement un lieu d’accueil pour les femmes victimes de violences. Enfin, le grand complexe de sports de plein air, qui sera situé sur la route de la mer, constitue également un développement d’envergure car il a vocation à accueillir les habitants de toute la microrégion.
Q Pourquoi porter une attention particulière à l’emploi des personnes handicapées ?
“La commune développe une véritable politique sociale et solidaire, envers les personnes handicapées ainsi qu'auprès des personnes âgées ou en difficulté économique.”
Ce qu’il est important de savoir, c’est que la commune développe une véritable politique sociale et solidaire comme vous avez pu le constater de prime abord dans ma présentation. Monsieur le Maire, Francis Giudici, est tout particulièrement attaché aux différentes contributions qu’une commune peut apporter en termes de soutien à différents types de publics, en l’occurrence les personnes handicapées.
Mais nous intervenons également auprès des personnes âgées ou des personnes en difficulté économique, par exemple. Nous tentons, en tant que secteur public, d’être exemplaires en la matière, même si nous sommes conscients qu’il reste des efforts à faire.
Q Sur ce sujet, une des particularités de la Mairie de Ghisonaccia est de faire régulièrement appel au secteur protégé et adapté (ESAT et EA, anciennement les CAT)1. Quelles sont les structures avec lesquelles vous travaillez ?
Nous travaillons avec l’ESAT de Prunelli - appelé « Stella Matutina » - pour l’entretien des voiries et du stade et également pour l’entretien de certains bâtiments (par exemple de l’église). Ce qu’il faut savoir c’est que nous disposons du personnel en interne qui pourrait éventuellement s’acquitter de cette mission, mais mettre en place cette collaboration correspond aussi à notre vision de la solidarité. Nous faisons également appel à des Entreprises Adaptées pour l’achat de fournitures : l’EA « Le Verdier », et l’Artisanerie pour l’achat de sacs poubelles.
Q Quel est l’historique de cette collaboration ? Comment nait le projet de faire appel à ce type de structures ?
Il s’agit d’une véritable volonté politique avec, d’un côté l’obligation réglementaire de recruter des personnes handicapées et, de l’autre, la possibilité d’avoir une diminution de la contribution FIPHFP. C’est la conjonction d’un devoir avec une politique sociale et solidaire qui est extrêmement importante aux yeux de Monsieur le Maire. Nous souhaitons également prendre notre responsabilité en tant que service public vis-à-vis de l’emploi local. Nous essayons donc de conjuguer nos besoins avec l’offre de l’ESAT, et ces derniers sont bien réels. Par exemple : l’entretien du stade est un réel besoin pour la ville, comme les fournitures ou encore l’achat de sacs poubelles.
“Nous souhaitons également prendre notre responsabilité en tant que service public vis-à-vis de l’emploi local.”
Pour la sélection du prestataire, Monsieur le Maire connaissait déjà bien l’ESAT de Prunelli et c’est comme cela que nous avons eu l’idée de faire appel à eux. Il y a également du démarchage de la part des prestataires potentiels : je reçois des appels régulièrement. Suite à ces sollicitations, nous vérifions si ce qu’ils proposent correspond à une attente chez nous et si c’est le cas, nous n’hésitons pas à étudier la faisabilité d’avoir recours à eux.
Q Donc il s’agit souvent de sollicitations externes. Connaissez-vous la possibilité de réserver des lots pour ce type de structure au sein des appels d’offre, grâce à l’article 15 du code des marchés publics ?
Ça par contre nous ne le faisons pas. C’est une procédure complexe dans les plus petites villes parce que la plupart de nos achats sont de faibles montants, nous fonctionnons donc sur devis. Il y a bien les travaux publics mais il me semble que c’est plus compliqué en raison de la dangerosité et de la pénibilité des missions.
Q Le secteur protégé adapté, comme le handicap dans le monde professionnel en général, souffre d’un certain nombre de stéréotypes, souvent négatifs. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
“Il faut être conscient qu’en fonction du handicap, cela peut représenter un investissement important de la part des équipes accueillantes en termes de temps et d’attention.”
Concernant les délais par exemple je n’ai rien à dire, c’est très professionnel. Ensuite, la qualité du travail est tout à fait satisfaisante et les points d’amélioration que nous pouvons relever n’ont rien à voir avec les particularité de ce type de structure. C’est comme une entreprise lambda : si les employés sont bien encadrés, bien suivis, alors le travail est fait correctement.
On le voit très bien au niveau de la voirie et de l’entretien du stade. Concernant les prix il faut différencier la prestation de service de l’ESAT Stella Matutina et l’achat des fournitures. L’entretien de la voirie, du stade et des bâtiments s’inscrivent dans les prix du marché ; en revanche, l’achat de fournitures est effectivement sensiblement plus couteux qu’une entreprise classique.
Q Plus globalement, cette collaboration s’inscrit-elle dans une démarche d’achats responsables ?
Il n’y a rien de formalisé mais nous avons effectivement plusieurs points de vigilance : en terme d’écologie par exemple, nous privilégions les produits « bio » ou respectueux de l’environnement. Mais surtout, nous travaillons aussi avec l’IMPRESA une entreprise d’insertion par l’activité économique. C’est une entreprise d’évènementiel que l’on sollicite systématiquement pour des évènements comme des concerts par exemple. Ils se chargent des aspects logistiques : montage et démontage de scène, tables, installation des chaises, chapiteau etc...
Autre exemple : nous faisons appel à ADAL 2B, une association d’insertion professionnelle, pour tout ce qui est travaux de débroussaillage, démaquisage, entretien du parcours de santé et des fossés d'écoulement des eaux pluviales.
Q Est-ce que vous avez connaissance des autres prestations qui peuvent être offertes par les autres ESAT ou EA de Corse ?
Pas complètement et c’est un point de développement important : nous n’avons pas forcément une vision globale de ce qui existe en Corse ou même éventuellement sur le continent. La communication est quelque chose qui aujourd’hui fait défaut et qui pourrait apporter plus de visibilité sur les services que ces structures sont en mesure de proposer.
Q Recommanderiez-vous aux employeurs publics qui hésiteraient de se lancer dans l’aventure ?
Totalement et ce pour deux raisons : la première étant que je pense qu’en tant que service public nous devons prendre notre part de responsabilité sur l’aide et l’accompagnement des personnes handicapées. La deuxième, c’est la part humaine, sociale et solidaire que chacun développe à sa manière. A Ghisonaccia, on essaie vraiment d’accompagner cette démarche et de contribuer à cette politique globale d’intégration des personnes handicapées.
Q Développez-vous d’autres moyens d’action pour l’emploi des personnes handicapées ?
Nous avons également travaillé sur le recrutement d’un jeune en apprentissage ayant un handicap, reconnu à plus de 80 %. Il a été intégré au sein du service des espaces verts dans le cadre de la préparation de son CAP, qu’il a d’ailleurs obtenu cet été. Il faut cependant être conscient qu’en fonction du handicap, cela peut représenter un investissement important de la part des équipes accueillantes en termes de temps et d’attention. Il est donc primordial de bien évaluer les aptitudes de la personne accueillie et les conséquences éventuelles de son handicap sur le poste, afin de s’assurer qu’il pourra suivre sa formation dans les meilleures conditions et apporter un vrai plus à l’équipe. Pour moi, ce type de projet doit être réfléchi et nous avons d’ailleurs bénéficié d’un accompagnement par Cap Emploi.
“L’intégration de cet agent a, sans conteste, renforcé les valeurs d’entraide et de solidarité au sein de l’équipe. La cohésion d’équipe s’en est trouvée améliorée.”
En point d’amélioration cependant, je pense qu’il faudrait accompagner les personnes en contrat aidé dans une recherche d’emploi quand arrive la fin du contrat, et ne pas leur faire croire qu’elles seront forcément pérennisées au sein de la structure qui les a accueillis durant leur formation, car ce ne peut pas être systématiquement le cas. Bien sûr l’insertion est souhaitable, mais le but premier de ce type de contrat est de favoriser la montée en compétences des personnes bénéficiaires et donc d’augmenter leur employabilité. L’effet pervers pourrait être que les structures n’osent plus se lancer si elles ne sont pas en mesure d’anticiper une embauche à terme.
Pour terminer, je dirais qu’il s’agit d’une véritable aventure humaine car l’intégration de cet agent a, sans conteste, renforcé les valeurs d’entraide et de solidarité au sein de l’équipe. La cohésion d’équipe s’en est trouvée améliorée.
Propos recueillis par François Le Saux-Mari
1. NB : les Etablissements et Services d'Aide par le Travail (ESAT) et les Entreprises Adaptées (EA) forment le secteur protégé et adapté (SPSA). Ce sont des établissements qui accueillent des travailleurs handicapés ne pouvant pas exercer dans le milieu professionnel « ordinaire » en raison de leurs problèmes de santé. Faire appel aux structures de ce secteur est également un moyen de remplir son obligation d’emploi de travailleurs handicapés. ↩

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