La compensation du handicap grâce aux aides humaines
Témoignage de Madame Jacqueline Versini, agent à la DDCSPP de Corse du Sud
Pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre fonction ?
Je suis assistante sociale de formation et je suis actuellement conseillère technique en service social à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de Corse du Sud (DDCSPP). Je m’occupe principalement du logement social sur le territoire et je gère spécifiquement le contingent préfectoral, c’est-à-dire tous les logements sociaux qui sont construits sur le département avec un financement de l’Etat soit 30 % du parc (25% pour un public prioritaire et 5% pour les fonctionnaires). Par exemple, si vous arrivez en Corse demain et que vous êtes fonctionnaire de l’Etat, vous pouvez solliciter un logement. Je dois également reloger les personnes déclarées prioritaires dans le cadre du droit au logement opposable (DALO), c’est-à-dire des personnes en grande précarité.
Je m’occupe principalement du logement social sur le territoire et je gère spécifiquement le contingent préfectoral.
Je suis aussi amenée à suivre la politique du logement, (loi égalité citoyenneté, loi ELAN,) qui impose de nouvelles obligations pour les bailleurs, comme l’obligation de reloger 25 % du public DALO. Il y a beaucoup à faire car on manque de logements et une partie du parc est ancien et insalubre. Je participe aussi aux commissions d’attribution de logements au sein des différents bailleurs.
Enfin, j’ai en charge les réponses aux requêtes adressées par les usagers aux différentes institutions (Présidence de la République, Ministères, Préfet ...).
Quelles sont les conséquences de votre handicap sur votre poste ?
Je suis malvoyante, et j’ai la vue qui baisse énormément. De ce fait quand il y a des réunions par exemple avec un déplacement, je dois automatiquement être accompagnée, je ne suis pas autonome pour me déplacer seule. Pour les documents administratifs, je ne peux pas les lire lorsqu’ils sont imprimés avec des caractères classiques.
Pour les documents administratifs, je ne peux pas les lire lorsqu’ils sont imprimés avec des caractères classiques.
J’ai également des difficultés pour utiliser les équipements, (un scan ou une photocopie). Si un message s’affiche indiquant qu’il faut remettre du papier dans l’imprimante, je ne peux pas déceler ce qui se passe, j’ai forcément besoin d’assistance.
Avez-vous toujours travaillé avec ces contraintes ?
Non car ma pathologie est très progressive. J’ai cette maladie depuis très longtemps, mais elle s’est vraiment dégradée depuis 2 ou 3 ans. J’ai toujours fait avec, « j’embêtais » mes collègues pour qu’ils m’aident. Quand la situation s’est dégradée, je ne pouvais vraiment plus rien faire et on a dû prendre le « taureau par les cornes ».
Vous avez bénéficié d’aménagements et de mesures de compensation ?
Je me suis rendue à la médecine de prévention et chez mon ophtalmo. Mon médecin voulait que je m’arrête de travailler, mais pour moi il en était hors de question. Ma hiérarchie, (c’est à dire à la fois la direction départementale à la DDCSPP et la DRJSCS (Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale), qui est l’échelon régional) s’est rapprochée de la médecine de prévention et du service des ressources humaines pour voir ce qui était envisageable en termes de compensation. C’est comme ça que nous avons contacté Cap Emploi.
Mon médecin voulait que je m’arrête de travailler, mais pour moi il en était hors de question.
J’ai ensuite eu rendez-vous avec un conseiller Cap Emploi, Tony Avolio qui, après étude de ma situation, m’a mise en rapport avec un ergothérapeute pour évaluer mon handicap et les outils dont j’avais besoin.
NDLR : Sylvain Picot, ergothérapeute, est coordonnateur de l’association « l’Operata », titulaire de la Prestation d’Appui Spécifique sur les troubles visuels en Corse, mais également pour les troubles moteur, mentaux et cognitifs.
Nous avons eu 2 entretiens et il a tout de suite vu l’outil informatique dont j’avais besoin, à savoir le logiciel Zoom Text, Je lui ai détaillé mes tâches quotidiennes et par la suite, il est également venu au bureau avec le conseiller Cap Emploi pour m’observer en situation de travail, voir quel matériel j’utilisais. Il a vu l’emplacement du copieur, en sommes tout mon environnement professionnel, aussi bien dans mon bureau que dans le service dans lequel je travaille.
Nous nous sommes aperçus que certaines tâches pouvaient être remplies en toute autonomie grâce au logiciel mais d’autres non. Le besoin d’une aide humaine s’est donc imposé.
J’ai pu tester le logiciel en amont de son installation pour voir s’il me convenait et on est venu me « former » à son utilisation. C’était une formation courte, mais indispensable.
Une fois le diagnostic posé, c’est Cap emploi qui a traité le dossier et qui a commandé le logiciel, en lien avec ma hiérarchie pour obtenir les financements et les aides correspondantes. Il y a également eu des liaisons entre le service informatique et l'ergothérapeute pour l‘installation du logiciel.
Quel est le rôle de l’aide humaine, comment intervient-elle ?
Cette personne recrutée par Cap Emploi selon un profil correspondant à mon besoin, travaille avec moi 2 jours et demi par semaine. Finalement, Cap Emploi a mis nos besoins respectifs en rapport pour créer un emploi sur mesure.
Grace à la convention du ministère avec le FIPHFP qui prévoit un budget pour le maintien dans l’emploi des agents avec un handicap, mon aide humaine a été embauchée.
Grace à la convention du ministère avec le FIPHFP qui prévoit un budget pour le maintien dans l’emploi des agents avec un handicap, mon aide humaine a été embauchée. En revanche, il n’y a pas eu de création de poste à proprement parlé, cette personne est entièrement rattachée à moi et a pour seule tache de m’accompagner dans mes missions.
Je sollicite l’aide humaine pour lire des documents papier et m’accompagner aux réunions extérieures lorsque c’est nécessaire.
Comment faites-vous pour les transports domicile-travail ?
Pour les transports domicile-travail c’est mon mari qui a adapté ses horaires et qui m’accompagne tous les jours. À une période, je bénéficiais d’une prestation de transport domicile-travail délivrée par un taxi-ambulance, que l’on avait mise en place avec Cap Emploi. J’ai décidé de l’interrompre par la suite mais ça existe. Cap Emploi a vraiment beaucoup de possibilités, c’est important de le savoir et que les administrations les connaissent !
Le télétravail pourrait-il vous apporter plus de confort ?
Toutes les mesures de compensation mises en place me permettent de travailler dans les meilleures conditions, comme je l’entends.
Personnellement je refuse le télétravail, je pourrais sans doute en bénéficier mais je tiens à me rendre au bureau. Je ne veux pas me couper du milieu social. C’est vraiment important pour moi. Toutes les mesures de compensation dont nous avons parlé, mises en place avec l'ergothérapeute, Cap Emploi et mon administration me permettent de travailler dans les meilleures conditions, comme je l’entends.
Propos recueillis par François Le Saux-Mari