Retour en haut de page Accès au menu Accès au contenu
> > Le Tutorat à la Préfecture de Haute-Corse, moteur d’une intégration réussie
Préfecture de Haute-Corse

Le Tutorat à la Préfecture de Haute-Corse, moteur d’une intégration réussie

Françoise Rottler

Témoignage de Madame Françoise Rottler, Référente Handicap pour la préfecture, cheffe du bureau des RH et du dialogue social

Q Pouvez-vous nous présenter votre structure et son fonctionnement ?

La Préfecture de la Haute-Corse regroupe 134 agents en ETP (Equivalents Temps-Plein) répartis sur 5 sites : la Préfecture de Bastia, les 2 sous-préfectures de Corte et Calvi, et des agents missionnés en DDI1, à savoir la DDTM2 et DDCSPP3. Nous avons essentiellement des postes administratifs mais pas seulement. Comme chacun sait, la Préfecture représente l’État sur les territoires et est en charge de décliner sa politique en matière de sécurité, de services publics, de développement économique, d’intégration sociale, etc.

Nous nous sommes donc naturellement tournés vers Cap Emploi et la MDPH de Haute-Corse pour obtenir des profils correspondants

Concernant l’accès à l’emploi des personnes handicapées, nous avons procédé l’année dernière à deux recrutements par la voie des emplois réservés.

Comment cela se passe-t-il ?

Lorsqu’en début d’année nous prenons connaissances des « marges de manœuvre » qui nous sont données par le Ministère et la Préfecture en termes de recrutement de personnel, nous pouvons faire le choix d’ouvrir des postes en emploi réservé. Nous diffusions alors les offres et nous créons un jury de recrutement qui évalue les postulants sur la reconnaissance et la valorisation des acquis de l'expérience professionnelle par un entretien oral, après une première sélection des candidatures. Les personnes recrutées sont donc stagiaires de la fonction publique pendant un an, à l’identique de ceux recrutés par la voie du concours classique. Un jury d’intégration émet ensuite un rapport en tenant compte de l’avis du supérieur hiérarchique et le dossier de l’agent passe en CAP (Commission Administrative Paritaire) régionale pour sa titularisation.

En l’occurrence, nous avions identifié des besoins sur des postes de catégorie B, plutôt administratifs avec des profils juridiques. Nous nous sommes donc naturellement tournés vers Cap Emploi et la MDPH de Haute-Corse pour obtenir des profils correspondants.

Q Avez-vous rencontré des difficultés pour recruter ?

Nous avons fait notre choix par rapport aux personnalités, aux appétences et aux expériences des candidats

On le sait, les demandeurs d’emploi handicapés ont statistiquement un niveau de formation plus faible que le tout-public. C’est vrai qu’idéalement nous aurions voulu trouver un profil juridique bac +5. Mais lorsque l’on veut avoir une démarche pro-active en termes de recrutement comme c’était notre cas, il faut faire preuve d’adaptabilité quant à ses critères, sans toutefois rogner sur la compétence. C’est bien l’objet du mode de recrutement que nous avons mis en œuvre.

Nous avons donc reçu six candidatures qualifiées et nous avons fait notre choix par rapport aux personnalités, aux appétences et aux expériences des candidats. Cela a porté ses fruits puisque les personnes recrutées l’année dernière ont donné pleine satisfaction et ont été titularisées.

Q Pourquoi porter une attention particulière à l’emploi des personnes handicapées. Quelles sont les structures avec lesquelles vous travaillez ?

En premier lieu, il s’agit d’orientations claires du ministère qui s’engage pour l’intégration des personnes handicapées dans la fonction publique. Par ailleurs nous voulions élargir notre panel de profils parmi nos agents, accéder à plus de diversité. Le mode de recrutement que nous avons choisi est différent des recrutements par concours ou des arrivées par mobilité interne. Mécaniquement, cela nous permet de rencontrer des candidats avec des personnalités, des parcours différents, une autre vision des choses car une autre expérience. C’est toujours enrichissant pour le fonctionnement d’un service.

Q Vous placez le tutorat au cœur de votre dispositif d’intégration et vous avez mis en place une charte spécifique sur le sujet. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La charte du tutorat est une pratique et un outil qui se diffuse par le réseau des RH des services de l’État et qui est mise en œuvre par plusieurs préfectures.

Il s’agit d’un accord tripartite entre l’agent qui prend ses nouvelles fonctions, le tuteur et le directeur auprès duquel est placé le tutoré. Le principe est que tout nouvel arrivant dans la structure ou sur un nouveau poste soit accompagné dans son intégration. Cela concerne bien sûr les nouveaux agents mais cela peut également être mis en œuvre quand un agent technique devient administratif suite à un reclassement par exemple, car c’est tout de même un bouleversement dans la carrière et un changement d’environnement important.

Tout nouvel arrivant dans la structure ou sur un nouveau poste est accompagné dans son intégration

D’ailleurs, le champ du tutorat ne concerne pas forcément les missions de l’agent en elles-mêmes, il ne se substitue pas à de la formation ou à un appui technique que pourrait apporter l’équipe ou l’encadrement lors de la prise de poste. Il s’agit plutôt d’être accompagné dans l’ensemble des démarches administratives inhérentes à la vie d’un agent, dans la compréhension d’un environnement nouveau et parfois complexe. Le dispositif dure de manière indicative environ six mois. La charte n’a pas vocation à perdurer, le principe est d’accompagner le tutoré vers une indépendance et une autonomie complète.

Q Avez-vous quelques exemples de mise en œuvre de ce dispositif ?

Les deux personnes recrutées (lire plus haut) ont par exemple bénéficié de ce dispositif. Cela avait du sens puisqu’elles n’avaient aucune connaissance du monde administratif dans lequel elles arrivaient, ni de la fonction publique en général avec toute sa complexité et sa culture propre.

Nous avons également à gérer des situations de maintien dans l’emploi. Par exemple nous avons comme situation celle d’un ouvrier professionnel qui, à la suite d’une longue maladie, ne pouvait plus porter de charge (alors que les tâches à réaliser sur son poste impliquaient forcément cet exercice). Il n’était donc plus apte à exercer son métier mais souhaitait légitimement réintégrer un emploi. Nous avons réussi à le faire basculer sur un poste administratif dans le périmètre pourtant assez restreint qu’est le nôtre. C’est là que le tutorat rentre en jeu puisque l’agent arrive dans un environnement totalement inconnu, avec des codes et des rythmes différents. Il y a une dimension psychologique dans l’accompagnement: le tuteur joue, par sa présence active, un rôle important dans l’acceptation du nouveau poste et des nouvelles contraintes.

Le dispositif est tout à fait complémentaire avec ce que peut faire un bureau des ressources humaines, mais il est séparé de la relation administrative, ce qui peut amener une plus grande liberté d’expression et une aisance supplémentaire entre le tuteur et le tutoré.

Le tutorat aide non seulement l’agent dans sa réintégration, mais il peut également jouer un rôle dans le travail de « deuil » du précédent poste

Un autre exemple : un chauffeur a rencontré de graves problèmes de dos, l’empêchant de continuer à occuper son poste. Nous avons pu le reclasser et il assure maintenant l’accueil téléphonique au standard. Le tutorat aide non seulement l’agent dans sa réintégration, mais il peut également jouer un rôle dans le travail de « deuil » du précédent poste, afin que le passage à une autre vie professionnelle ne soit pas perçu comme un échec de la précédente.

Cela ne vaut pas que pour les changements de poste, le dispositif peut également être mis en œuvre lors de la réintégration après une longue période d’absence. Nous avons par exemple dû accompagner un agent qui reprenait ses fonctions suite une absence liée à des raisons de santé et qui s’occupait avant son départ de l’accueil pour la délivrance de permis de conduire. Sauf que depuis le plan Préfectures Nouvelle Génération (PPNG), il y a de moins en moins d’accueil du public en Préfecture et les démarches dématérialisées sont privilégiées. Nous sommes typiquement dans une situation où cette personne réintègre un environnement qui a beaucoup changé, avec de nouvelles contraintes et orientations. Elle avait besoin d’un accompagnement et d’une vigilance particulière, d’une disponibilité pour répondre à ses demandes, ses questionnements, ses interrogations.

Le dispositif peut également s’articuler avec l’intervention du Sameth4 lorsque des besoins de compensation supplémentaires sont identifiés comme l’achat de matériel adapté (comme un clavier ergonomique dans ce cas précis).

Q Comment les tuteurs sont-ils choisis ou sélectionnés  ?

Le nombre d’heures d’accompagnement doit être respectueux des contraintes de chacun

Les tuteurs sont choisis sur la base du volontariat. En général c’est une personne de l’environnement de proximité qui se propose. Pour autant, le tuteur ne fait pas forcément partie du service puisqu’il n’intervient pas sur les missions de l’agent. Nous pourrions aller plus loin en formalisant la demande de tutorat et en l’envoyant à tous les tuteurs potentiels en amont, afin que chacun puisse se proposer. Aujourd’hui cela se déroule souvent de manière plus informelle.

Le nombre d’heures d’accompagnement n’est pas prédéfini ni formalisé, le temps passé doit être respectueux des contraintes de chacun.

Q Pour vous, quels sont les ingrédients d’une intégration réussie ?

Il faut que l’opération soit « gagnant-gagnant ». L’agent évolue favorablement dans son environnement et l’administration dispose d’une recrue performante qui lui donne satisfaction. L’implication et la coopération du responsable est aussi très importante. Lui aussi s’engage puisqu’il accepte que le tuteur ne se consacre plus entièrement à son poste mais aussi un peu au tutoré, c’est un élément qu’il va devoir prendre en compte. Il est nécessaire qu’il ait confiance dans l’intérêt du dispositif et en partage les enjeux et les objectifs. Pour cela, le responsable doit être intégré au processus le plus en amont possible et participer à sa construction. Pour les recrutements par exemple, les responsables faisaient partie du jury.

Q Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

Pas particulièrement. Il y a toujours quelques réflexions ou questionnements lorsque le handicap de l’agent n’est pas visible. Certain se demande s’il est vraiment handicapé et s’il est juste qu’il ait suivi une procédure de recrutement particulière, sans concours ou sans test écrit. L’image du fauteuil roulant est encore très présente. Les questionnements qui ont pu exister se sont assez vite réglés naturellement.

L’image du fauteuil roulant est encore très présente

L’important c’est le climat de confiance et la sensibilisation. Le ministère communique beaucoup, il y a beaucoup d’information sur l’intranet et il y a des campagnes de communication. Nous avons également été totalement transparents et avions informé les équipes en amont.

Q Avez-vous un exemple de réussite de cette méthode ?

Nous avons eu le plaisir de voir un des deux agents recrutés l’année dernière s’inscrire à un concours de catégorie A. C’est un signe certain que l’intégration s’est bien déroulée et un motif de satisfaction car non seulement la personne a trouvé un emploi stable, mais elle a su être actrice de son évolution. Cela démontre qu’une fois qu’elle a « remis le pied à l’étrier », son évolution professionnelle se fait dans les mêmes conditions de progression que tout agent, c’est-à-dire par concours interne.

Propos recueillis par François Le Saux-Mari


1. Directions Départementales Interministérielles

2. Direction Départementale des Territoires et de la Mer

3. Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations

4. Service d’Aide au Maintien dans l’Emploi des Travailleurs Handicapés

Haut de page